« Alors Letha, tu es à la traîne aujourd’hui ! A quoi tu penses pour que cela te fasse ralentir à ce point ?
- Arrête de te faire des films Marc, je ne suis pas amoureuse ! Combien de fois faudra-t-il que je te le répète ?! Et d’abord, je ne traîne pas, j’admire le paysage, c’est la première fois que tu m’emmène ici.
- Bienvenue à Park City princesse ! C’est toujours là que je viens passer mes vacances d’hiver … répondit joyeusement le dénommé Marc.
- Mais on n’est pas en vacances et il n’y a même pas de neige ! Nous sommes encore en plein milieu du mois d’octobre, au cas où tu l’aurais oublié, le taquina-t-elle.
- Tu ne me l’aurais pas rappelé, je me serais presque senti bête … Mais bien sûr que je le sais ! Mais je t’ai amenée ici, parce que, même sans la neige, c’est un endroit magnifique, et que je sais que tu adores ce genre d’endroit, termina l’homme en admirant lui aussi la vue magnifique qu’ils avaient d’en haut du promontoire.
- Merci Marc. Il n’y a que toi qui me comprenne de ce côté…
- Tu oublis Lysandre ! C’est bien le jeune homme dont tu m’avais parlé la dernière fois, celui qui était arrivé en cours d’année et qui a un talent fou pour tout ce qui touche à l’art ?
- Tu t’en souviens encore ? Pourtant, ta dernière visite remonte à maintenant presque un an ! Si tu savais à quel point je me suis inquiétée, tu ne m’a même pas envoyé de lettres contrairement à d’habitude. J’ai cru que tu avais des problèmes … murmura-t-elle d’une voix triste et peinée.
- J’en ai eu … Mais c’est du passé tout ça. Maintenant, je suis là et tout va pour le mieux, n’est-ce pas ? Allez, ne sois pas triste ma princesse.
L’homme la serra dans ses bras, tout en la contemplant. En à peine une année elle avait bien changée et il avait du mal à reconnaître la petite fille qu’il consolait autrefois : sa magnifique chevelure noire ébène avait poussé et Letha s’était fait des mèches d’un bleu électrique, elle avait aussi pris quelques centimètres et s’était musclée. Il la relâcha et lui ébouriffa les cheveux, tandis qu’elle souriait.
« Arrête un peu de me traiter comme une gamine ! En plus, si tu continues à me décoiffer, mes cheveux vont finir par ressembler aux tiens ! Depuis combien de temps n’es-tu pas passé au coiffeur ?! »
C’est vrai qu’il semblait revenir d’un long voyage à l’écart de tout : ses boucles noirs étaient longues jusqu’au creux de ses reins et toutes emmêlées, il avait encore des cernes sous ces yeux et ses vêtements étaient plus chiffonnés que ceux de certains SDF. On aurait dit qu’il avait 40 ans, plutôt que 27 ans.
« Où es-tu encore allé te perdre ? On dirait que tu n’as pas dormi depuis un siècle mon pauvre. Allez, assieds-toi, je vais m’occuper de tes cheveux. C’est pour ça que tu m’as bien demandé d’emporter de quoi changer de coupe ? Alala, qu’est-ce que tu ferais sans moi, mon ami …
- Pas grand-chose à vrai dire. Heureusement que tu es là, si tu n’existais pas, on aurait dû t’inventer tellement tu m’es précieuse et utile, plaisanta-t-il avec un grand sourire rayonnant. »
Marc s’assit sur l’une des tables de pique-nique du promontoire, tout en commentant le fait que ce soit presque le seul coin calme de la ville et qu’ils avaient eu de la chance qu’il se souvienne du chemin pour y accéder, tandis que Letha ouvrait la petite mallette qu’elle avait avec elle et en sortit ce qu’elle avait besoin pour s’occuper de son ami. Elle commença à lui couper les cheveux et Marc à se renseigner.
« Alors, il ne s’est rien passé de particulier ces temps-ci ? Raconte-moi tout ce que j’ai manqué ! Je veux tout savoir !
- D’accord, d’accord, dit-elle avec entrain. Tu te rappelles de mes amis Téa et Orion ? Eh bien, maintenant ils sortent ensemble ! De toute façon, j’étais sûre que ça finirait ainsi, ils sont trop prévisibles et ils vont tellement bien ensemble.
- Téa et Orion … Téa, c’est ta meilleure amie c’est ça ? La grande blonde plutôt mignonne? Et Orion c’est le mec aux yeux noirs sans fond ? Moi, je ne trouve pas ça vraiment prévisible, j’ai du mal à les voir ensemble, soupira-t-il en grimaçant gentiment.
- Laisse tomber Marc, elle est complètement dingue de lui. Dommage mais ce n’est pas elle la fille de tes rêves ! l’embêta Letha.
- Hé ! Je n’ai jamais dit qu’elle me plaisait, s’offusqua-t-il.
- Peut-être mais dans ce cas-là, apprend à penser moins fort, plaisanta-t-elle.
- Mmm c’est ça, moque-toi de moi ! Parlons plutôt de ta longue relation platonique avec Kyros …
- Mais qui as dit que je sortais avec lui ?! C’est mon meilleur ami et c’est tout ! Je n’éprouve aucun sentiment amoureux pour lui, alors s’il te plaît, arrête de m’embêter avec ça, demanda-t-elle en le menaçant avec sa paire de ciseaux.
- Faisons un pacte. Tu arrêtes de croire que je suis amoureux de Téa et j’oublie tout à propos de ça. Et ne croises pas les doigts sinon ça ne compte pas !
- Je te jure que je ne le dirais plus, promit-elle en souriant. Et voilà c’est terminé ! Là, au moins, tu retrouves figure humaine. On dirait presque l’un des princes que Sophia m’a montré dans l’un de ses innombrables livres… »
Les cheveux bouclés de Marc s’arrêtaient maintenant à ses épaules et lui donnaient plus l’air d’un ancien aristocrate que d’un SDF. La coupe avait l’air de lui plaire et il se leva, en consultant sa montre.
« Il va être temps que l’on rentre ma princesse. Désolé de ne pas pouvoir rester plus longtemps, mais je suis attendu à une réunion au sommet, d’une grande envergure.
- Tu reviendras avant la fin du mois, pour mon anniversaire ? demanda-t-elle en espérant fortement que oui.
- Je ne pense pas ma Letha, mais cette année je me suis surpassé dans le choix de tes cadeaux. Tu en recevras 8 en tout : 5 petits et 3 plus importants…
- 8 cadeaux ?! Et pourquoi ce choix-là ?
- Parce que cela va faire 5 fois 3 années que tu es née, que je te connais depuis tes 5ans et parce que c’est la troisième fois de suite que je m’absente malheureusement pendant la période de ton anniversaire, lui répondit-il du tact-au-tact en souriant, nostalgique. Mais tu dois jurer, et tenir ta promesse, de ne pas les ouvrir avant le jour J, et de les ouvrir seule, ajouta Marc très sérieux.
- C’est promis, jura Letha, impressionnée par son sérieux inhabituel.
- Bon alors tout va bien, dit-il en retrouvant son sourire joyeux. Allez viens, je te ramène chez toi avant que ta famille ne s’inquiète. En route ma princesse ! »
Ils redescendirent du promontoire et Marc la ramena tranquillement chez elle avant que la nuit ne tombe, tout en prenant des nouvelles de sa vie à elle. Une fois les au-revoir prononcés et la jeune Letha rentré, son corps se mit à se flouter et à prendre une autre apparence : le jeune Marc céda la place à un homme d’une trentaine passée, tout en gardant la même coupe de cheveux, portant une armure de métal sombre sur laquelle se dessinait Cerbère.
« Ah, quel bien fou cela fait de retrouver son vrai corps … Pas que celui de Marc soit inconfortable, mais le mien est quand même plus solide, commenta-t-il. En tout cas, elle est restée la même, toujours aussi secrète, sauf avec ce bon vieux Marc… Dire que dans quelques jours tout cela sera bouleversé. J’espère qu’elle ne me détestera pas… se murmura-t-il après un silence. En tout cas, il faut que je me dépêche, Perséphone m’attend et dans peu de temps je serais invité à rejoindre l’Olympe pour une réunion du conseil. Pourvu que tout se passe bien jusqu’à là … »